Jean Lafitte 22
novembre 2009
Inachevé
à/c fin de la p. 3 Complété
11 mars 2010
Jean Lafitte 22
novembre 2009
Complété 11 mars
2010
Petite chronologie de Lingua de hoc
à Occitanie
Il s’agit dune chronologie linguistique, qui prend
en compte les formes rencontrées, leur langue, la région où elles apparaissent,
la qualité de celui qui en use (autorité publique et ses secrétaires, notaire
ou clerc de fonctions équivalentes, historien ou poète) et le sens qu’il lui
donne (obtenu le plus souvent par conjectures, d’après l’histoire du contexte
social où apparait l’occurrence).
HGL renvoie à l’Histoire
générale de Languedoc de Dom Cl.
Devic et Dom J. Vaissète, Toulouse : Privat, 1874 à 1902, et spécialement
les volumes de preuves : pour 1271-1443, t. X,
1885; pour 1443-1789, t. XII, 1889 et t.
XIV, 1876.
Entre 1285
et 1288 – lenga que dyen “hoch”, catalan, chroniqueur Bernat Desclot –
désigne un territoire (Desclot (B.), Crónica
del rey en Pere e de seus antecessors passats, éd. Coll i Alentorn (M),
Barcelone, 1950, chapitre CXXXVII, IV, p. 117).
2 février 1291
– lingua d’oc, latin, acte
notarié dressé à Lagny, « d’oc » étant une expression de la langue
courante pour désigner les gens des provinces méridionales, qu’on nomme en
latin « provinciales » (HGL, t. X, col. 245).
26 mars 1295
– lingua de hoc, latin, acte de
Philippe le Bel, (P.M., 11; H.B., 26) se réfère, à la cité de Nîmes, à la
province de Narbonne et à « tota terra sive », « toute le
terriroire ou langue d’oc » (HGL, t. X, col. 247).
1298 – Langue
d’oc, français, mémoire politique rédigé sur ordre de Philippe le Bel;
territoire explicité par « à savoir des sénéchaussées de Tholose, de
Carcassonne et de Beaucaire » (Boutaric (E.), Documents relatifs à l’Histoire de France sous Philippe le Bel,
pièce n° VII (dans les Notices et
extraits des manuscrits, t. XX, 2e partie). Boutaric attribue ce
document à 1297, mais il ne peut avoir été rédigé qu’en 1298. Référence et
commentaire de P. Meyer).
14 aout 1302
– Lingua Occitana, latin, convocation par Égide,
archevêque de Narbonne, d’un concile à Nîmes, au sujet du différend du pape
Boniface VIII avec le roi Philippe le Bel – territoire (HGL, t. X, col. 399).
1317 – la lingua d’Oc, roman [1] du
Languedoc, relation de la nomination d’un “capitaine” des marchands pour
le territoire de la « langue d’oc » (B. I. [B. N. en 2008] Registre de
Montpellier, ms. fr. 11795, cité par Bourquelot (F.), Études sur les foires de Champagne, sur la nature, l’étendue et les
règles du commerce qui s’y faisait aux XIIe, XIIIe et XIVe
siècles, Paris, 1865, p. 151, n. 3).
1342 – partes Occitane,
latin, désigne, dans une lettre de Philippe VI de Valois, des territoires de
langue d’oc, associés à ceux de Saintonge, où il a établi précédemment l’évêque de
Beauvais comme son lieutenant : in
partibus Occitanis & Xantonensibus (Ordonnances
des Roys de France de la Troisième race, tome II, 1729, p. 181).
1er décembre 1359 – partes Occitanie, latin, dans
la titulature de Jean, comte de Poitiers, fils du roi Jean le Bon et son lieutenant in partibus Occitanie & Alvernie,
dans les régions de Langue d’oc et d’Auvergne (HGL, t. X, col. 1176). Cette expression ne se retrouve que dans un autre acte,
de 1431 (col. 1972) et, en variante patria
Occitanie dans un troisième, de 1443 (col. 2207); mais on n’en a pas de Occitania seul. Quant à patria, c’est le roi Charles VII qui en use, et non un
quelconque habitant des pays d’oc. Ce serait donc un grave contre-sens de
traduire patria par
« patrie » avec le sens qu’a aujourd’hui ce mot; tout le contexte
montre qu’il ne veut rien dire d’autre que « pays, territoire,
région », sans qualification juridique particulière, contrairement à ducatus, duché, ou comitatus, comté.
1373 – langaige d’oc, français, dernière
mention médiévale connue de « la langue d’oc » avec un sens
linguistique, au sujet d’un ouvrage dans un inventaire de la librairie du
Louvre (n° 378 de l’édition de M. Delisle, Cabinet
des manuscrits, III, 134).
1495 – occitanos,
occitanis, latin, dans des lettres de Ferdinand le Catholique, roi
d’Aragon, appliqués à des personnes, en l’occurrence des marchands du
Languedoc. (Documentos sobre las
relaciones internacionales de los Reyes Católicos, III, publiés par Antonio
de la Torre, Barcelona, 1949, V, p. 121, doc. n° 181 et 182).
1617 – Occitania (isolé) et occitanicus,
latin, dans un poème d’hommage au Toulousain Goudoulin, en tête de la première
édition de son recueil Le Ramelet moundi
(…& autres œuvres, réédition par Philippe Gardy, 1984, p. 29); Ph. Gardy précise bien en note (p. 63) que occitanicus « renvoie ici au seul
Languedoc ».
Il en sera évidemment de
même :
– pour Occitania ou Occitaniæ au revers des jetons frappés par les États de Languedoc
de 1634 à 1789;
– pour
les Antiquitates benedictinae Occitaniae de Dom Estiennot, ou Claude Estiennot de la Serre (Varennes, 1639; Rome,
1699), bénédictin de la Congrégation de Saint-Maur, qui a écrit cet ouvrage entre 1673 et 1682 (d’après la
bibliographie du tome VIII de l’HGL qui précise : autrefois à la
bibliothèque de Saint-Germain des Prés; auj., à la Bibl. nat., ms. fonds latin,
nos 12760, 12761).
1732 – Occitanie,
français, à la p. xxxjv (34) de la Préface des Ordonnances des
Roys de France de la Troisième race, tome III publié en 1732 par l’avocat
parisien Denis-François
Secousse (1691-1754). L’auteur mentionne une Ordonnance du 18 Février 1357 (ancien style, donc 1358 pour nous) de Jean, comte de Poitiers — déjà cité pour 1359 — avec « le titre de Lieutenant
du Roy dans toute l’Occitanie par de‑là la Dordogne »; mais
Secousse traduit là un texte latin qu’il donne p. 689 et qui porte « Locum-tenens Regis Francorum, citra Fluvium
Dordonie, per totam Linguam Occitanam » : non seulement il n’y a pas la moindre trace
d’« Occitania », mais encore citra
signifie « en deçà » et non « par delà », donc au sud de la
Dordogne puisque l’ordonnance est datée de Montpellier; notons en outre que
l’apposition de « per totam Linguam
Occitanam » à « citra Fluvium
Dordonie » ne permet pas d’affirmer que le rédacteur de 1358
identifiait la Lingua Occitana à tout
le sud de la Dordogne… Quant au mot français Occitanie dont use
Secousse, il est totalement ignoré d’Eusèbe-Jacob de Laurière (1659-1728) qui avait publié en 1723 le premier tome des Ordonnances… et préparé le second; à sa
mort,
Secousse prit sa suite en achevant ce second tome (1728) et en réalisant le
trioisième (1732); on peut en
conclure que Secousse est l’inventeur du
français Occitanie.
Décembre 1765 – Occitania, latin, p. 332 du
volume XI de l’Encyclopédie de
Diderot-d’Alembert; le rédacteur de la rubrique le classe en « Géographie
ancienne » et le définit ainsi : « c’est le
nom que quelques auteurs du moyen âge ont donné à la province du Languedoc;
mais ce nom étoit commun à tous les peuples qui disoient oc pour oui,
c’est-à-dire, aux habitans de la Gascogne, de la Provence, du Dauphiné, ainsi
que du Languedoc, dont le nom moderne a été formé. » Ce rédacteur est le
chevalier Louis de Jaucourt (1704-1779), qui a signé à lui seul quelque
17 000 articles de l’Encyclopédie
et ne pouvait être un “spécialiste” de toutes les questions traitées. Mais il
témoigne de ce que pouvaient savoir les Français instruits du XVIIIe
s. et particulièrement de l’ignorance totale du néologisme français Occitanie.
Décembre 1765 – Occitanie, français, p. 26 du
volume XIV de l’Encyclopédie, à l’article règles en trois occurrences, les seules
des dix-sept volumes de l’Encyclopédie.Non
signé, l’article est très vraisemblablement du même auteur que l’article menstrues du tome X dont il serait le
complément, alors que le volume X était déjà composé; certes, ce dernier
article n’est pas signé non plus, mais il est pour Wikipédia l’un des plus
célèbres de Gabriel François Venel, médecin, pharmacien et chimiste français;
né à Tourbes (Hérault) en 1723, il obtint en 1759 une chaire à la faculté de médecine
de Montpellier et mourut à Pézenas en 1775. Le mot Occitanie figure dans trois passages décrivant une sorte de
géographie des règles quant à la quantité de sang perdu, la durée du flux
mensuel et l’âge des premières règles. En cela d’ailleurs Venel est original,
car on ne trouve pas ces précisons géographiques chez l’Anglais Robert James, à
l’article menses de son A medicinal dictionary paru en 1745 et
traduit en français par Diderot lui-même. Employé par un médecin dont toute la
vie fut centrée sur Montpellier, le mot Occitanie
ne peut désigner que le Languedoc, dont les États frappaient encore leurs
jetons avec le latin Occitania.
1788 – Occitanie,
français, entre
dans le champ littéraire, grâce au court roman pastoral Estelle du Languedocien Jean-Pierre Claris de Florian (1755-1794);
mais l’auteur précise bien : « Le Languedoc ou l’Occitanie ».
24 mai 1838 – Occitania, en languedocien de l’Est, dans l’Apouthéosa dé Pierré Paul Riquet, poésie présentée par un potier de
Clermont-L’Hérault, Jean-Antoine Peyrottes (1813-1858), à un concours ouvert
par la Société archéologique de
Béziers (Revue des langues romanes,
I, 1870, p. 266). Cette forme en O-
n’est pas normale en syllabe non accentuée d’un mot d’usage courant : même
le premier o d’Apothéose est devenu ou
dans le titre donné par l’auteur (cf. l’article
du Tresor dóu Félibrige de
Mistral cité ci-après). Il s’agit donc d’un néologisme, et comme le latin Occitania était certainement étranger à
ce modeste artisan, cela ne peut être qu’une adaptation de l’Occitanie français. De toute façon,
comme celui-ci et l’Occitania latin,
il ne pouvait désigner alors que le Languedoc.
1884 – Oucitanìo,
Ouccitanié, Ouccitanìo, en langue d’oc, figurent en entrée d’un article
d’un fascicule du Tresor dóu Félibrige
de Mistral paru vers le début de cette année. Il est ainsi traduit :
« Occitanie, nom par lequel les lettrés désignent quelquefois le Midi de
la France et en particulier le Languedoc. »
1904 – Occitania,
en languedocien, graphie classique, désigne l’ensemble des pays d’oc dans
« Foc nou » [sic] d’Antonin Perbosc (1861-1944), Mount-Segur n° 12, décembre 1904. Le français
« Occitanie » sera dès lors utilisé avec la même extension par les
adeptes de l’Occitanisme, puis, sur la fin du XXe s., par une presse
éprise d’exotisme rapproché.
En négatif : les “ignorances” des lexicographes
Pour compléter les témoignages des écrits, il
parait inéressant de noter les contre-témoignages que constitue l’absence des
mots qui nous intéressent chez les érudits de jadis, notamment dans de célèbres
dictionnaires.
Dans son Thresor
de la langue française (1606), le Nîmois Nicot, passe de occision à occultateur (p. 438); il ignore oc
tout court, et à l’article langue, ne
donne en exemples que « Langue Hebraïque, Grecque, Latine, Françoise,
Alemande, Italienne, Espagnole », traduisant française par le latin gallica.
Sur le site de recherche « ARTFL
Project » (Analyse et traitement informatique de la langue française) de
l’Université de Chicago, une recherche simultanée sur le Thresor de la langue française de Jean Nicot (1606), le Dictionaire critique de la langue française
de Jean-François Féraud (Marseille, Mossy 1787-1788) et le Dictionnaire de L’Académie française
1ère (1694), 4ème (1762), 5ème (1798), 6ème (1835), et 8ème (1932-5) éditions
ne donne rien pour « occitan » et ses dérivés.
Le mot
« Occitanie » de Secousse et son contexte seront repris tel quel par
le P. Louis-Etienne
Arcère (Histoire de la Ville de la
Rochelle et du Pays d’Aulnis, 1756, p.40).
On le retrouve chez Venel
dans un article de l’Encyclopédie de
Diderot publié en 1765, alors qu’il n’aura droit à aucun article propre dans ce
monument de connaissances, qui ne connaitra que le latin médiéval Occitania !
Raynouard,
Lexique roman ou dictionnaire de la langue des troubadours, t. III, D-K,
1840, p. 437
GASC, guasc,
adj., Gascon.
Cala donas son pus belas
O Gascas o Englesas?…
Respondetz : Si no us pesa,
Senher, genser es Guasca.
Amadiu des Escas : En aquel mes.
Quelles dames sont plus belles ou Gasconnes
ou Anglaises ?… Répondez : S’il ne vous déplaît, seigneur, plus belle
est la Gasconne.
Subst. Quo fes lo Guasc que traisses del afan.
Peyrols : Pus flum Jordan.
Comme fit le Gascon que vous tirâtes de la
peine.
2. Gasco, Guasco, adj., gascon.
Tal dompna don sui amaire,
Non ges
a la lei Gascona.
Pierre d’Auvergne : Ab fina joia.
Telle dame dont je suis amoureux, non point à la manière gasconne.
Substantiv. Quar li Frances no son Gasco.
A. Daniel : D’autra guisa.
Car les Français ne sont pas les Gascons.
esp. Gascon.
3. Engasconir, v., engasconner.
Que m cugei engasconir.
Giraud de Borneil :
Aital
cansoneta.
Vu que je faillis m’engasconner.
Supplément par E. Levy, t. 4, p. 77
Gasconil „gascognisch”.
Quar belessa, malessa, riquessa am dos ss son mot quaysh gasconil.
Leys II, 196 Z. 4 v. u.
Quar liau es motz gasconils, quar
leumen li Gasco viro e mudo l, cant
es en fi de dictio, en u.
Ibid. II, 208 Z. 5.
Raynouard,
Lexique roman…, t. IV, L-P, 1842, pp. 45-46.
LENGUA, lenga, s. f., lat lingua, langue.
Ans
vuelh qu’om me talh la lenga,
S’ieu ja
de leis crezi lauzenga.
Rambaud d’Orange : Pos tals.
Mais je veux
qu’on me coupe la langue si jamais je crois médisance d’elle.
[pour mémoire : trois autres exemples de langue, organe du corps]
— Fig. Parole,
propos.
Ab las lengas verinosas.
V. et Vert., fol. 25.
Avec les langues venimeuses.
Lenga suais apaia ira
Trad de Bède, fol. 20.
Parole douce apaise colère.
Fo mout cridat et auzit pel mont, e doptatz per sa lenga.
V. de Marcabrus.
Fut moult renommé
et écouté par le monde, et redouté pour sa langue.
— Langage, idiome.
Richart tornet sa lengua, e parlet arago.
Roman de Fierabras, v. 4030.
Richard changea son langage, et
parla aragonais.
Senes breu de pargamina,
Tramet lo vers en chantan,
[46] En plana lengua romana.
G. Rudel : Quan lo rius
Sans bref de parchemin, je transmets le vers en chantant, eu simple langue romane.
Par ext. Li auzellet en or leis…
Usquecs s’alegr’en sa lenga.
Rambaud d’Orange : Pos tals.
Les oiselets leur manière... chacun se réjouit en son langage.
Loc. Quascus s’en gaba e s’en ri,
Gieta lenga e fai bossi.
Aimar de Rocaficha : No m lau
Chacun s’en raille et s’en rit, tire la langue et fait la moue
Loc. fig. Lauzengiers fals, lenga de colobra.
A. Daniel : Doutz
braillz.
Médisants faux, langue, de
couleuvre.
No sai quals son plus aveuzitz
De lauzengiers lengua
forbitz,
O selhs que crezon ditz savays.
Arnaud de Cotignac : Mout dezir.
Je ne sais quels sont plus méprisables des
médisants aiguisés par la langue,
ou (de) ceux qui croient méchants propos.
[pour mémoire : deux autres exemples de langue, organe de la parole]
— Bout, extrémité d’une fiamme, d’une banderole, d’un
guidon.
[pour mémoire : un exemple]
cat. Llengua. esp. Lengua. port. Lingua, lingoa. it. Lingua.
2. Lenguatge,
lengatge, lengaje, s. m.,
langage, langue.
Vos, entendetz e veiatz,
Quo sabetz mon lengatge.
Giraud de Borneil : No puec sofrir
Vous, qui savez mou langage,
entendez et voyez.
Seran de divers lengatges.
Liv. de Sydrac, fol. 21.
Seront de divers langages.
Fig. Quecx auzel en son lenguatge.
Arnaud de Marueil : Bel m’es quan.
Chaque oiseau en son langage.
Loc. En autra terra irei penre lengaje.
Guillaume de Cabestaing : Mout m’alegra.
En autre terre j’irai prendre langue.
cat. Llenguatge. esp. Lenguaje. port. Linguagem. it. Linguaggio.
3. Lenguos, lengos, adj.,
verbeux, bavard.
[pour mémoire : deux exemples]
it. Linguoso.
4. Lengut, adj.,
parleur, bavard.
[pour mémoire : un exemple]
cat. Lengud. it. Linguuto.
5. Lenguejar,
v., parler, bavarder, criailler
De lenguejar
Contra joglar,
Etz pus afilatz que milas
Del vostre bec.
Marcabrus : Senher.
Pour bavarder contre jongleur, vous êtes plus affilé que milan de votre bec.
anc. fr. Et finablement ils langagèrent tant ensemble qu’enfin…
ils conclurent.
Monstrelet, t. II, p. 135.
anc. esp. Lenguear. it. Linguettare.
Raynouard,
Lexique roman…, t. IV, L-P, 1842, p. 357 — Oc, Occident,
Occupar : Occitan, Ocitanie inconnus.
Ib.,
p. 661 – Pas d’acception linguistique v° provincial,
bien qu’il ait publié (I, p. 573) le début de la « Vida de Sant
Honorat » de Raymon Féraud avec ces vers souvent cités :
E si deguns
m’asauta
Mon romanz ni mos
ditz,
Car non los ay
escritz
En lo dreg proenzal,
Non m’o tengan a
mal,
Car ma lenga non
es
Del drech proensales…
Raynouard, Lexique roman…, t. V, Q-Z, 1843, pp.
106-107
ROMAN, adj., lat. romanus, romain.
Annaran drecha via per lo camin roman.
V. de S. Honorat.
Iront la droite voie par le chemin romain.
Onrada n’er la corona romana,
Si’l vostre cap s’i enclau.
Bertrand de Born : Ges de disnar.
Honorée en sera la couronne romaine,
si le votre chef s’y enferme.
esp. port. it. Romano.
[107] — Roman, qui appartient à l’idiome roman, l’une des langues de l’Europe latine.
Tramet lo vers en chantan,
En plana lengua romana.
G. Rudel : Quan lo rius
Je transmets le vers en chantant, en pure langue romane.
Subst. D’autres noms a prezen
N’ia segon romans.
G. Riquier : El noms del.
D’autres noms à présent il y en a, selon le roman.
Aquest peccat es apelat en letra presomptio, mas en romans
se deu apelar folla eaperansa.
V. et Vert., fol. 10. 2e Ms.
Ce péché est appelé en latin presomptio, mais en roman il se doit appeler folle
espérance.
Segon romans e clercis.
B. Martin : D’entier vers.
Selon roman et science.
anc. fr. Ki ceste estoire en romans mist.
Roman de Rou, v. 10442.
cat. Romans. esp. port. Romance.
— Ouvrage littéraire.
Aquest romans es acabat
Épitre de Matfre
Ermengaud à sa sœur.
Ce roman est achevé.
Arnautz e cantava be, e legia be romans.
V. d’Arnaud de Marueil.
Arnaud
et chantait
bien, et lisait bien les romans.
anc. cat. Romans. cat. mod. Romanso. esp. port. Romance. it. Romazo.
2. Romansar, v., romancer, traduire en langue romane, écrire en roman.
Cel que vole romansar la vida sant Alban.
V. de S. Honorat.
Celui
qui voulut mettre en roman la vie de saint Alban.
De patz mon sirventes romansa.
Guillaume de Berguedan :
Amicx marques.
Touchant la paix mon sirvente romance.
— Célébrer en roman.
Sels Andriens qu’om romansa.
G. Faidit
: Quoras que m.
Cet Adrien qu’on célèbre en roman.
Part. pas. Lo libre que vos ay de
lati romansat.
Frag. d’une trad. de la V. de S. Amant.
Le livre que je vous
ai de latin traduit en roman.
cat. Romansar. esp. Romanzar,
romancear. port. Romancear. it. Romanzeggiare.
3. Aromansar,
v. romancer, mettre en roman, en langue romane.
Verges, en vos ai mes auzar
D’aquest escrig aromansar.
Passio de Maria.
Vierge, en vous j’ai mis l’oser de romancer cet écrit.
occan /
ocan : aucune occurrence in HGL X et XII
Barthés,
pp. 46-48
-
Peyrottes, Apouthéosa dé Pierré Paul Riquet. 24 mai 1838, mention honorable de
la société arch. de Béziers, Clermont-L’Hérault, 1838,12 p. - Id., Lodève,
Gruillières, 1838, 8 pPour l’inauguration de la statue de Paul Riquet à
Béziers, en 1838, un jeune poète, alors fort maladroit et fort peu instruit,
Jean-Antoine Peyrottes,
copie servilement le style de M. Azais. Soumettant, malgré le règlement, une
pièce en « patois » au jury du concours poétique, Peyrottes a le
souci de suivre la mode de la Société archéologique et de son président. Il
emboîte le pas et donne dans son « Apoutheosa de Paul Riquet » la
strophe suivante :
« Et sé d’efans del Nil, de l’Ohio, de l’Euphrata
Gemissou desoulats, yon d’une terra ingrate
Que lous aourio banits de soun sen maternel,
Victimes de la tyrannia,
Se venou dins l’Occitania
Jouy del vray bounhur qu’es
dejoust nostre ciel… »
(95).
C’est la première attestation
d’« Occitanie » ou d’un mot de la famille d’« Occitanie »,
importés en langue d’oc en 1838.
C’est un néologisme. Aucun des nombreux dictionnaires
ou lexiques de la langue d’oc contemporains de Peyrottes n’a relevé ce mot,
absolument inconnu alors. Seul entre tous, Frédéric Mistral a consacré une
notice dans le Trésor du Félibrige (tome II, p. 431) à Oucitan, et à
Oucitanìo :
« Oucitan, Ouccitan (b. latin Occitanus) :
adj. et s. Terme littéraire. Occitain, aine, Occitanien, Languedocien, ienne,
Méridional, ale. V. Miejournau, Oc, Lengo d’oc.
« Oucitanìo, Ouccitanié, Ouccitanìo (b. latin
Occitania 1370). Occitanie, nom par lequel les lettrés désignent quelquefois le
Midi de la France et en particulier le Languedoc. V. Lengadò, Miejour. (Suit la
citation de deux vers extraits de la strophe de Peyrottes reproduite
ci-dessus.)
« Le mot « Occitania » ou « Patria
Linguae Occitanae » est la traduction usitée dans les actes latins des 13e
et 14e siècles pour désigner la province de Languedoc. »
F. Mistral attribue au XIIIe siècle la
paternité d’« Occitania » qui n’est apparu qu’au XVIIe.
Mais il juge fort bien l’origine de ces mots : simple traduction dans les actes latins
des 13e et 14e siècles, pour désigner la province (et non la langue) de Languedoc.
Mistral n’ignorait pas la valeur de témoignage
« négatif » de l’œuvre de Peyrottes qu’il cite. Et c’est bien comme
un gallicisme qu’il admet, contre lui (car il ne les emploiera pas dans ses
œuvres) les mots « Oucitan » ou « Oucitanìo », en renvoyant
du mot suspecté, à la notice du mot originel et qu’il juge préférable au
gallicisme.
On notera encore que pour F. Mistral,
« Oucitan » ou « Ouccitan » ne désigne pas là encore la
langue elle-même, mais seulement ce qui se rapporte à la province de Languedoc.
Il traduit « Occitanus » par « Occitain ».
Il faut attendre la fin du XIXe siècle pour
voir diffuser, à propos du Midi et en contestation de l’action du Félibrige, le
terme « Occitan » avec l’annonce de la création à Paris d’une
« Ligue Occitane » en 1897. « Première apparition, dit l’éminent
historien du Félibrige, M. René Jouveau, d’un vocable qui servira bientôt de
drapeau à une nouvelle école orthographique, et plus tard à une forme
anti-provençale et anti-mistralienne du Félibrige » (96).
(95) Jean Antoine Peyrottes,
« Apouteosa de Paul Riquet », 1838. Cette première pièce de vers
présentée en public par Peyrottes est un essai extrêmement mauvais, infesté de
gallicismes, dans le lexique et la syntaxe. Cette poésie révèle l’état de
barbarisme et de décadence littéraire de notre langue au début du XIXe
siècle. C’est cet état qui, justement permet l’importation du gallicisme
« Occitania » en langue d’oc. De ces premières œuvres de Peyrottes,
F. Mistral écrivait à Roumanille le 24 avril 1851 : « Peyrottes est
un barbare, il ne comprend pas assez la répugnance qu’éprouve la langue du Midi
pour celle des « northmans ». On peut dire qu’il a parfaitement
intitulé l’ouvrage qu’il a, je crois, publié : « Pouesias Patouesas »
(Correspondance Mistral à Roumanille, publiée par P. Rollet, Ed. Ramoun
Berenguié, Aix 1969, p. 902). Cette opinion de Mistral éclaire assez la
citation qu’il fera des vers de Peyrottes publiés en 1838 pour indiquer la
valeur d’« Occitanie » importé comme un gallicisme. Toutefois
Peyrottes, par beaucoup d’application et grâce aux leçons patientes de
Roumanille, parvint à écrire très correctement, quand il le voulait. La pièce
insérée dans « Li Prouvençalo ». réunies par Roumanille : « Oda
sus una toumba », est très belle. Mistral, après sa lecture, exprime son
sentiment : « Vous aviez raison de parler de Peyrottes avec éloge Ses
deux inspirations décèlent la trace du feu sacré. Voilà du languedocien, et non
ses pâles traductions dans un jargon incompréhensible » (à Roumanille, le
… juillet 1851, loc. cit., p. 913). L’importation par Peyrottes
d’« Occitania » relève de « ses pâles traductions en un jargon
incompréhensible », d’après Mistral, qui n’attribue pas une autre valeur
au mot.
[1] N’a pas de nom propre à l’époque, alors que le catalan, le provençal et le gascon sont déjà nommés par ces noms-là.