Jean Lafitte                                                                                                      22 novembre 2009

Inachevé à/c fin de la p. 3     Complété 11 mars 2010

Jean Lafitte                                                                                                      22 novembre 2009

Complété 11 mars 2010

Petite chronologie de Lingua de hoc à Occitanie

Il s’agit dune chronologie linguistique, qui prend en compte les formes rencontrées, leur langue, la région où elles apparaissent, la qualité de celui qui en use (autorité publique et ses secrétaires, notaire ou clerc de fonctions équivalentes, historien ou poète) et le sens qu’il lui donne (obtenu le plus souvent par conjectures, d’après l’histoire du contexte social où apparait l’occurrence).

HGL renvoie à l’Histoire générale de Languedoc de Dom Cl. Devic et Dom J. Vaissète, Toulouse : Privat, 1874 à 1902, et spécialement les volumes de preuves : pour 1271-1443, t. X, 1885; pour 1443-1789, t. XII, 1889 et t. XIV, 1876.

 

Entre 1285 et 1288lenga que dyen “hoch”, catalan, chroniqueur Bernat Desclot – désigne un territoire (Desclot (B.), Crónica del rey en Pere e de seus antecessors passats, éd. Coll i Alentorn (M), Barcelone, 1950, chapitre CXXXVII, IV, p. 117).

2 février 1291 – lingua d’oc, latin, acte notarié dressé à Lagny, « d’oc » étant une expression de la langue courante pour désigner les gens des provinces méridionales, qu’on nomme en latin « provinciales » (HGL, t. X, col. 245).

26 mars 1295 – lingua de hoc, latin, acte de Philippe le Bel, (P.M., 11; H.B., 26) se réfère, à la cité de Nîmes, à la province de Narbonne et à « tota terra sive », « toute le terriroire ou langue d’oc » (HGL, t. X, col. 247).

1298Langue d’oc, français, mémoire politique rédigé sur ordre de Philippe le Bel; territoire explicité par « à savoir des sénéchaussées de Tholose, de Carcassonne et de Beaucaire » (Boutaric (E.), Documents relatifs à l’Histoire de France sous Philippe le Bel, pièce n° VII (dans les Notices et extraits des manuscrits, t. XX, 2e partie). Boutaric attribue ce document à 1297, mais il ne peut avoir été rédigé qu’en 1298. Référence et commentaire de P. Meyer).

14 aout 1302Lingua Occitana, latin, convocation par Égide, archevêque de Narbonne, d’un concile à Nîmes, au sujet du différend du pape Boniface VIII avec le roi Philippe le Bel – territoire (HGL, t. X, col. 399).

1317la lingua d’Oc, roman [1] du Languedoc, relation de la nomination d’un “capitaine” des marchands pour le territoire de la « langue d’oc » (B. I. [B. N. en 2008] Registre de Montpellier, ms. fr. 11795, cité par Bourquelot (F.), Études sur les foires de Champagne, sur la nature, l’étendue et les règles du commerce qui s’y faisait aux XIIe, XIIIe et XIVe siècles, Paris, 1865, p. 151, n. 3).

1342partes Occitane, latin, désigne, dans une lettre de Philippe VI de Valois, des territoires de langue d’oc, associés à ceux de Saintonge, où il a établi précédemment l’évêque de Beauvais comme son lieutenant : in partibus Occitanis & Xantonensibus (Ordonnances des Roys de France de la Troisième race, tome II, 1729, p. 181).

1er décembre 1359 partes Occitanie, latin, dans la titulature de Jean, comte de Poitiers, fils du roi Jean le Bon et son lieutenant in partibus Occitanie & Alvernie, dans les régions de Langue d’oc et d’Auvergne (HGL, t. X, col. 1176). Cette expression ne se retrouve que dans un autre acte, de 1431 (col. 1972) et, en variante patria Occitanie dans un troisième, de 1443 (col. 2207); mais on n’en a pas de Occitania seul. Quant à patria, c’est le roi Charles VII qui en use, et non un quelconque habitant des pays d’oc. Ce serait donc un grave contre-sens de traduire patria par « patrie » avec le sens qu’a aujourd’hui ce mot; tout le contexte montre qu’il ne veut rien dire d’autre que « pays, territoire, région », sans qualification juridique particulière, contrairement à ducatus, duché, ou comitatus, comté.

1373 langaige d’oc, français, dernière mention médiévale connue de « la langue d’oc » avec un sens linguistique, au sujet d’un ouvrage dans un inventaire de la librairie du Louvre (n° 378 de l’édition de M. Delisle, Cabinet des manuscrits, III, 134).

1495occitanos, occitanis, latin, dans des lettres de Ferdinand le Catholique, roi d’Aragon, appliqués à des personnes, en l’occurrence des marchands du Languedoc. (Documentos sobre las relaciones internacionales de los Reyes Católicos, III, publiés par Antonio de la Torre, Barcelona, 1949, V, p. 121, doc. n° 181 et 182).

1617 Occitania (isolé) et occita­nicus, latin, dans un poème d’hommage au Toulousain Goudoulin, en tête de la première édition de son recueil Le Ramelet moundi (…& autres œuvres, réédition par Philippe Gardy, 1984, p. 29); Ph. Gardy précise bien en note (p. 63) que occitanicus « renvoie ici au seul Languedoc ».

Il en sera évidemment de même :

– pour Occitania ou Occitaniæ au revers des jetons frappés par les États de Languedoc de 1634 à 1789;

– pour les Antiquitates benedictinae Occitaniae de Dom Estiennot, ou Claude Estiennot de la Serre (Varennes, 1639; Rome, 1699), bénédictin de la Congrégation de Saint-Maur, qui a écrit cet ouvrage entre 1673 et 1682 (d’après la bibliographie du tome VIII de l’HGL qui précise : autrefois à la bibliothèque de Saint-Germain des Prés; auj., à la Bibl. nat., ms. fonds latin, nos 12760, 12761).

1732Occitanie, français, à la p. xxxjv (34) de la Préface des Ordonnances des Roys de France de la Troisième race, tome III publié en 1732 par l’avocat parisien Denis-François Secousse (1691-1754). L’auteur mentionne une Ordonnance du 18 Février 1357 (ancien style, donc 1358 pour nous) de Jean, comte de Poitiers — déjà cité pour 1359 — avec « le titre de Lieutenant du Roy dans toute l’Occitanie par de‑là la Dordogne »; mais Secousse traduit là un texte latin qu’il donne p. 689 et qui porte « Locum-tenens Regis Francorum, citra Fluvium Dordonie, per totam Linguam Occitanam » : non seulement il n’y a pas la moindre trace d’« Occitania », mais encore citra signifie « en deçà » et non « par delà », donc au sud de la Dordogne puisque l’ordonnance est datée de Montpellier; notons en outre que l’apposition de « per totam Linguam Occitanam » à « citra Fluvium Dordonie » ne permet pas d’affirmer que le rédacteur de 1358 identifiait la Lingua Occitana à tout le sud de la Dordogne… Quant au mot français Occitanie dont use Secousse, il est totalement ignoré d’Eusèbe-Jacob de Laurière (1659-1728) qui avait publié en 1723 le premier tome des Ordonnances… et préparé le second; à sa mort, Secousse prit sa suite en achevant ce second tome (1728) et en réalisant le trioisième (1732); on peut en conclure que Secousse est l’inventeur du français Occitanie.

Décembre 1765Occitania, latin, p. 332 du volume XI de l’Encyclopédie de Diderot-d’Alembert; le rédacteur de la rubrique le classe en « Géographie ancienne » et le définit ainsi : « c’est le nom que quelques auteurs du moyen âge ont donné à la province du Languedoc; mais ce nom étoit commun à tous les peuples qui disoient oc pour oui, c’est-à-dire, aux habitans de la Gascogne, de la Provence, du Dauphiné, ainsi que du Languedoc, dont le nom moderne a été formé. » Ce rédacteur est le chevalier Louis de Jaucourt (1704-1779), qui a signé à lui seul quelque 17 000 articles de l’Encyclopédie et ne pouvait être un “spécialiste” de toutes les questions traitées. Mais il témoigne de ce que pouvaient savoir les Français instruits du XVIIIe s. et particulièrement de l’ignorance totale du néologisme français Occitanie.

Décembre 1765Occitanie, français, p. 26 du volume XIV de l’Encyclopédie, à l’article règles en trois occurrences, les seules des dix-sept volumes de l’Encyclopédie.Non signé, l’article est très vraisemblablement du même auteur que l’article menstrues du tome X dont il serait le complément, alors que le volume X était déjà composé; certes, ce dernier article n’est pas signé non plus, mais il est pour Wikipédia l’un des plus célèbres de Gabriel François Venel, médecin, pharmacien et chimiste français; né à Tourbes (Hérault) en 1723, il obtint en 1759 une chaire à la faculté de médecine de Montpellier et mourut à Pézenas en 1775. Le mot Occitanie figure dans trois passages décrivant une sorte de géographie des règles quant à la quantité de sang perdu, la durée du flux mensuel et l’âge des premières règles. En cela d’ailleurs Venel est original, car on ne trouve pas ces précisons géographiques chez l’Anglais Robert James, à l’article menses de son A medicinal dictionary paru en 1745 et traduit en français par Diderot lui-même. Employé par un médecin dont toute la vie fut centrée sur Montpellier, le mot Occitanie ne peut désigner que le Languedoc, dont les États frappaient encore leurs jetons avec le latin Occitania.

1788Occitanie, français, entre dans le champ littéraire, grâce au court roman pastoral Estelle du Langue­docien Jean-Pierre Claris de Florian (1755-1794); mais l’auteur précise bien : « Le Languedoc ou l’Occitanie ».

24 mai 1838Occitania, en languedocien de l’Est, dans l’Apouthéosa dé Pierré Paul Riquet, poésie présentée par un potier de Clermont-L’Hérault, Jean-Antoine Peyrottes (1813-1858), à un concours ouvert par la Société archéologique de Béziers (Revue des langues romanes, I, 1870, p. 266). Cette forme en O- n’est pas normale en syllabe non accentuée d’un mot d’usage courant : même le premier o d’Apothéose est devenu ou dans le titre donné par l’auteur (cf. l’article  du Tresor dóu Félibrige de Mistral cité ci-après). Il s’agit donc d’un néologisme, et comme le latin Occitania était certainement étranger à ce mo­deste artisan, cela ne peut être qu’une adaptation de l’Occitanie français. De toute façon, comme celui-ci et l’Occitania latin, il ne pouvait désigner alors que le Languedoc.

1884 – Oucitanìo, Ouccitanié, Ouccitanìo, en langue d’oc, figurent en entrée d’un article d’un fascicule du Tresor dóu Félibrige de Mistral paru vers le début de cette année. Il est ainsi traduit : « Occitanie, nom par lequel les lettrés désignent quelquefois le Midi de la France et en particulier le Languedoc. »

1904 Occitania, en languedocien, graphie classique, désigne l’ensemble des pays d’oc dans « Foc nou » [sic] d’Antonin Perbosc (1861-1944), Mount-Segur n° 12, décembre 1904. Le français « Occitanie » sera dès lors utilisé avec la même extension par les adeptes de l’Occitanisme, puis, sur la fin du XXe s., par une presse éprise d’exotisme rapproché.

 

En négatif : les “ignorances” des lexicographes

Pour compléter les témoignages des écrits, il parait inéressant de noter les contre-témoignages que constitue l’absence des mots qui nous intéressent chez les érudits de jadis, notamment dans de célèbres dictionnaires.

Dans son Thresor de la langue française (1606), le Nîmois Nicot, passe de occision à occultateur (p. 438); il ignore oc tout court, et à l’article langue, ne donne en exemples que « Langue Hebraïque, Grecque, Latine, Françoise, Alemande, Italienne, Espagnole », traduisant française par le latin gallica.

Sur le site de recherche « ARTFL Project » (Analyse et traitement informatique de la langue française) de l’Université de Chicago, une recherche simultanée sur le Thresor de la langue française de Jean Nicot (1606), le Dictionaire critique de la langue française de Jean-François Féraud (Marseille, Mossy 1787-1788) et le Dictionnaire de L’Académie française 1ère (1694), 4ème (1762), 5ème (1798), 6ème (1835), et 8ème (1932-5) éditions ne donne rien pour « occitan » et ses dérivés.

 


 

 

Le mot « Occitanie » de Secousse et son contexte seront repris tel quel par le P. Louis-Etienne Arcère (Histoire de la Ville de la Rochelle et du Pays d’Aulnis, 1756, p.40).

On le retrouve chez Venel dans un article de l’Encyclopédie de Diderot publié en 1765, alors qu’il n’aura droit à aucun article propre dans ce monument de connaissances, qui ne connaitra que le latin médiéval Occitania !

 

Raynouard, Lexique roman ou dictionnaire de la langue des troubadours, t. III, D-K, 1840, p. 437

GASC, guasc, adj., Gascon.

Cala donas son pus belas

O Gascas o Englesas?…

Respondetz : Si no us pesa,

Senher, genser es Guasca.

Amadiu des Escas : En aquel mes.

Quelles dames sont plus belles ou Gasconnes ou Anglaises ?… Répondez : S’il ne vous déplaît, seigneur, plus belle est la Gasconne.

Subst. Quo fes lo Guasc que traisses del afan.

Peyrols : Pus flum Jordan.

Comme fit le Gascon que vous tirâtes de la peine.

2. Gasco, Guasco, adj., gascon.

Tal dompna don sui amaire,

Non ges a la lei Gascona.

Pierre d’Auvergne : Ab fina joia.

Telle dame dont je suis amoureux, non point à la manière gasconne.

Substantiv. Quar li Frances no son Gasco.

A. Daniel : D’autra guisa.

Car les Français ne sont pas les Gascons.

esp. Gascon.

3. Engasconir,  v., engasconner.

Que m cugei engasconir.

Giraud de Borneil : Aital cansoneta.

Vu que je faillis m’engasconner.

 

Supplément par E. Levy, t. 4, p. 77

Gasconil „gascognisch”.

Quar belessa, malessa, riquessa am dos ss son mot quaysh gasconil.

Leys II, 196 Z. 4 v. u.

Quar liau es motz gasconils, quar leumen li Gasco viro e mudo l, cant es en fi de dictio, en u.

Ibid. II, 208 Z. 5.

 

Raynouard, Lexique roman…, t. IV, L-P, 1842, pp. 45-46.

LENGUA, lenga, s. f., lat lingua, langue.

Ans vuelh qu’om me talh la lenga,

S’ieu ja de leis crezi lauzenga.

Rambaud d’Orange : Pos tals.

Mais je veux qu’on me coupe la langue si jamais je crois médisance d’elle.

[pour mémoire : trois autres exemples de langue, organe du corps]

Fig. Parole, propos.

Ab las lengas verinosas.

V. et Vert., fol. 25.

Avec les langues venimeuses.

Lenga suais apaia ira

Trad de Bède, fol. 20.

Parole douce apaise colère.

Fo mout cridat et auzit pel mont, e doptatz per sa lenga.

V. de Marcabrus.

Fut moult renommé et écouté par le monde, et redouté pour sa langue.

— Langage, idiome.

Richart tornet sa lengua, e parlet arago.

Roman de Fierabras, v. 4030.

Richard changea son langage, et parla aragonais.

Senes breu de pargamina,

Tramet lo vers en chantan,

[46] En plana lengua romana.

G. Rudel : Quan lo rius

Sans bref de parchemin, je transmets le vers en chantant, eu simple langue romane.

Par ext. Li auzellet en or leis…

Usquecs s’alegr’en sa lenga.

Rambaud d’Orange : Pos tals.

Les oiselets leur manière... chacun se réjouit en son langage.

Loc.     Quascus s’en gaba e s’en ri,

Gieta lenga e fai bossi.

Aimar de Rocaficha : No m lau

Chacun s’en raille et s’en rit, tire la langue et fait la moue

Loc. fig. Lauzengiers fals, lenga de colobra.

A. Daniel : Doutz braillz.

Médisants faux, langue, de couleuvre.

No sai quals son plus aveuzitz

De lauzengiers lengua forbitz,

O selhs que crezon ditz savays.

Arnaud de Cotignac : Mout dezir.

Je ne sais quels sont plus méprisables des médisants aiguisés par la langue, ou (de) ceux qui croient méchants propos.

[pour mémoire : deux autres exemples de langue, organe de la parole]

— Bout, extrémité d’une fiamme, d’une banderole, d’un guidon.

[pour mémoire : un exemple]

cat. Llengua. esp. Lengua. port. Lingua, lingoa. it. Lingua.

2. Lenguatge, lengatge, lengaje, s. m., langage, langue.

Vos, entendetz e veiatz,

Quo sabetz mon lengatge.

Giraud de Borneil :  No puec sofrir

Vous, qui savez mou langage, entendez et voyez.

Seran de divers lengatges.

Liv. de Sydrac, fol. 21.

Seront de divers langages.

Fig.   Quecx auzel en son lenguatge.

Arnaud de Marueil : Bel m’es quan.

Chaque oiseau en son langage.

Loc.   En autra terra irei penre lengaje.

Guillaume de Cabestaing : Mout m’alegra.

En autre terre j’irai prendre langue.

cat. Llenguatge. esp. Lenguaje. port. Linguagem. it. Linguaggio.

3. Lenguos, lengos, adj., verbeux, bavard.

[pour mémoire : deux exemples]

it. Linguoso.

4. Lengut, adj., parleur, bavard.

[pour mémoire : un exemple]

cat. Lengud. it. Linguuto.

5. Lenguejar, v., parler, bavarder, criailler

De lenguejar

Contra joglar,

Etz pus afilatz que milas

Del vostre bec.

Marcabrus : Senher.

Pour bavarder contre jongleur, vous êtes plus affilé que milan de votre bec.

anc. fr. Et finablement ils langagèrent tant ensemble qu’enfin… ils conclurent.

Monstrelet, t. II, p. 135.

anc. esp. Lenguear. it. Linguettare.

 

Raynouard, Lexique roman…, t. IV, L-P, 1842, p. 357 — Oc, Occident, Occupar : Occitan, Ocitanie inconnus.

 

Ib., p. 661 – Pas d’acception linguistique v° provincial, bien qu’il ait publié (I, p. 573) le début de la « Vida de Sant Honorat » de Raymon Féraud avec ces vers souvent cités :

E si deguns m’asauta

Mon romanz ni mos ditz,

Car non los ay escritz

En lo dreg proenzal,

Non m’o tengan a mal,

Car ma lenga non es

Del drech proensales

 

Raynouard, Lexique roman…, t. V, Q-Z, 1843, pp. 106-107

 

ROMAN, adj., lat. romanus, romain.

Annaran drecha via per lo camin roman.

V. de S. Honorat.

Iront la droite voie par le chemin romain.

Onrada n’er la corona romana,

Si’l vostre cap s’i enclau.

Bertrand de Born : Ges de disnar.

Honorée en sera la couronne romaine, si le votre chef s’y enferme.

esp. port. it. Romano.

[107] — Roman, qui appartient à l’idiome roman, l’une des langues de l’Europe latine.

Tramet lo vers en chantan,

En plana lengua romana.

G. Rudel : Quan lo rius

Je transmets le vers en chantant, en pure langue romane.

Subst.  D’autres noms a prezen

N’ia segon romans.

G. Riquier : El noms del.

D’autres noms à présent il y en a, selon le roman.

Aquest peccat es apelat en letra presomptio, mas en romans se deu apelar folla eaperansa.

V. et Vert., fol. 10. 2e Ms.

Ce péché est appelé en latin presomptio, mais en roman il se doit appeler folle espérance.

Segon romans e clercis.

B. Martin : D’entier vers.

Selon roman et science.

anc. fr. Ki ceste estoire en romans mist.

Roman de Rou, v. 10442.

cat. Romans. esp. port. Romance.

— Ouvrage littéraire.

Aquest romans es acabat

Épitre de Matfre Ermengaud à sa sœur.

Ce roman est achevé.

Arnautz e cantava be, e legia be romans.

V. d’Arnaud de Marueil.

Arnaud et chantait bien, et lisait bien les romans.

anc. cat. Romans. cat. mod. Romanso. esp. port. Romance. it. Romazo.

2. Romansar, v., romancer, traduire en langue romane, écrire en roman.

Cel que vole romansar la vida sant Alban.

V. de S. Honorat.

Celui qui voulut mettre en roman la vie de saint Alban.

De patz mon sirventes romansa.

Guillaume de Berguedan : Amicx marques.

Touchant la paix mon sirvente romance.

— Célébrer en roman.

Sels Andriens qu’om romansa.

G. Faidit : Quoras que m.

Cet Adrien qu’on célèbre en roman.

Part. pas. Lo libre que vos ay de lati romansat

Frag. d’une trad. de la V. de S. Amant.

Le livre que je vous ai de latin traduit en roman.

cat. Romansar. esp. Romanzar, romancear. port. Romancear. it. Romanzeggiare.

3. Aromansar, v. romancer, mettre en roman, en langue romane.

Verges, en vos ai mes auzar

D’aquest escrig aromansar.

Passio de Maria.

Vierge, en vous j’ai mis l’oser de romancer cet écrit.

occan / ocan : aucune occurrence in HGL X et XII

Barthés, pp. 46-48

- Peyrottes, Apouthéosa dé Pierré Paul Riquet. 24 mai 1838, mention honorable de la société arch. de Béziers, Clermont-L’Hérault, 1838,12 p. - Id., Lodève, Gruillières, 1838, 8 pPour l’inauguration de la statue de Paul Riquet à Béziers, en 1838, un jeune poète, alors fort maladroit et fort peu instruit, Jean-Antoine Peyrottes, copie servilement le style de M. Azais. Soumettant, malgré le règlement, une pièce en « patois » au jury du concours poétique, Peyrottes a le souci de suivre la mode de la Société archéologique et de son président. Il emboîte le pas et donne dans son « Apoutheosa de Paul Riquet » la strophe suivante :

« Et sé d’efans del Nil, de l’Ohio, de l’Euphrata

Gemissou desoulats, yon d’une terra ingrate

Que lous aourio banits de soun sen maternel,

Victimes de la tyrannia,

Se venou dins l’Occitania

Jouy del vray bounhur qu’es dejoust nostre ciel… » (95).

C’est la première attestation d’« Occitanie » ou d’un mot de la famille d’« Occitanie », importés en langue d’oc en 1838.

C’est un néologisme. Aucun des nombreux dictionnaires ou lexiques de la langue d’oc contemporains de Peyrottes n’a relevé ce mot, absolument inconnu alors. Seul entre tous, Frédéric Mistral a consacré une notice dans le Trésor du Félibrige (tome II, p. 431) à Oucitan, et à Oucitanìo :

« Oucitan, Ouccitan (b. latin Occitanus) : adj. et s. Terme littéraire. Occitain, aine, Occitanien, Languedocien, ienne, Méridional, ale. V. Miejournau, Oc, Lengo d’oc.

« Oucitanìo, Ouccitanié, Ouccitanìo (b. latin Occitania 1370). Occitanie, nom par lequel les lettrés désignent quelquefois le Midi de la France et en particulier le Languedoc. V. Lengadò, Miejour. (Suit la citation de deux vers extraits de la strophe de Peyrottes reproduite ci-dessus.)

« Le mot « Occitania » ou « Patria Linguae Occitanae » est la traduction usitée dans les actes latins des 13e et 14e siècles pour désigner la province de Languedoc. »

F. Mistral attribue au XIIIe siècle la paternité d’« Occitania » qui n’est apparu qu’au XVIIe. Mais il juge fort bien l’origine de ces mots : simple traduction dans les actes latins des 13e et 14e siècles, pour désigner la province (et non la langue) de Languedoc.

Mistral n’ignorait pas la valeur de témoignage « négatif » de l’œuvre de Peyrottes qu’il cite. Et c’est bien comme un gallicisme qu’il admet, contre lui (car il ne les emploiera pas dans ses œuvres) les mots « Oucitan » ou « Oucitanìo », en renvoyant du mot suspecté, à la notice du mot originel et qu’il juge préférable au gallicisme.

On notera encore que pour F. Mistral, « Oucitan » ou « Ouccitan » ne désigne pas là encore la langue elle-même, mais seulement ce qui se rapporte à la province de Languedoc. Il traduit « Occitanus » par « Occitain ».

Il faut attendre la fin du XIXe siècle pour voir diffuser, à propos du Midi et en contestation de l’action du Félibrige, le terme « Occitan » avec l’annonce de la création à Paris d’une « Ligue Occitane » en 1897. « Première apparition, dit l’éminent historien du Félibrige, M. René Jouveau, d’un vocable qui servira bientôt de drapeau à une nouvelle école orthographique, et plus tard à une forme anti-provençale et anti-mistralienne du Félibrige » (96).

(95)         Jean Antoine Peyrottes, « Apouteosa de Paul Riquet », 1838. Cette première pièce de vers présentée en public par Peyrottes est un essai extrêmement mauvais, infesté de gallicismes, dans le lexique et la syntaxe. Cette poésie révèle l’état de barbarisme et de décadence littéraire de notre langue au début du XIXe siècle. C’est cet état qui, justement permet l’importation du gallicisme « Occitania » en langue d’oc. De ces premières œuvres de Peyrottes, F. Mistral écrivait à Roumanille le 24 avril 1851 : « Peyrottes est un barbare, il ne comprend pas assez la répugnance qu’éprouve la langue du Midi pour celle des « northmans ». On peut dire qu’il a parfaitement intitulé l’ouvrage qu’il a, je crois, publié : « Pouesias Patouesas » (Correspondance Mistral à Roumanille, publiée par P. Rollet, Ed. Ramoun Berenguié, Aix 1969, p. 902). Cette opinion de Mistral éclaire assez la citation qu’il fera des vers de Peyrottes publiés en 1838 pour indiquer la valeur d’« Occitanie » importé comme un gallicisme. Toutefois Peyrottes, par beaucoup d’application et grâce aux leçons patientes de Roumanille, parvint à écrire très correctement, quand il le voulait. La pièce insérée dans « Li Prouvençalo ». réunies par Roumanille : « Oda sus una toumba », est très belle. Mistral, après sa lecture, exprime son sentiment : « Vous aviez raison de parler de Peyrottes avec éloge Ses deux inspirations décèlent la trace du feu sacré. Voilà du languedocien, et non ses pâles traductions dans un jargon incompréhensible » (à Roumanille, le … juillet 1851, loc. cit., p. 913). L’importation par Peyrottes d’« Occitania » relève de « ses pâles traductions en un jargon incompréhensible », d’après Mistral, qui n’attribue pas une autre valeur au mot.

 



[1] N’a pas de nom propre à l’époque, alors que le catalan, le provençal et le gascon sont déjà nommés par ces noms-là.