L’Institut se présente

 

Annoncé en Novembre 2001, l’Institut béarnais et gascon, est né statutairement à Pau à la fin Janvier 2002. Cette association entend réunir et faire travailler ensemble tous les Béarnais et Gascons attachés au patrimoine culturel reçu de leurs pères, et spécialement la langue béarnaise et gasconne. Car ses fondateurs font leur cette réflexion du grand chanteur et béarnais d’Aspe Marcel Amont : de l’ensemble flou que couvre le mot de culture, « ce qui reste le plus concret […] témoigne le mieux des faits, des pensées, des sentiments, des talents, des projets des générations qui m’ont précédé, avec pour conséquence le profit éventuel que nous pourrions tirer au présent et dans le futur de cet abondant héritage, ce sont les LANGUES » (Comment peut-on être gascon ! Atlantica 2001, p. 121).

Certes, depuis la fondation de l’Escole Gaston Fébus en 1896, bien des Béarnais et Gascons s’y sont retrouvés dans le même but; et lorsque un membre de cette école, Roger Lapassade (1912-1999) fonda l’association Per noste dans le courant occitaniste, bien d’autres amis sincères de notre langue et de notre culture s’y employèrent, toujours dans le même but.

Mais le courant occitaniste était né sur d’autres terres d’oc, dans un Languedoc jaloux de la prééminence que Mistral et ses héritiers avaient conférée à la langue d’oc de Provence. Et à leur tour, les Languedociens comptaient bien que leur parler, considéré comme « central », remplacerait un jour toutes les autres langues d’oc, une première étape étant l’adoption par tous les parlers du Midi d’un système orthographique unique. Mais ils ne le disaient pas, la doctrine officielle étant ainsi formulée par le pharmacien audois et grammairien Louis Alibert :

« Cette méthode [de traitement de la langue] ne prétend nullement imposer un dialecte à tous les Méridionaux, mais elle cherche une unification partielle qui puisse suffire aux besoins d’un enseignement et d’une littérature viables. » (La Langue d’oc, Annales de l’I.E.O., no 6 du 15 Février 1951).

Le danger mortel apparut cependant quand il fut question d’établir un occitan « standard » ou « référentiel », et cela à partir du seul languedocien; il est vrai que le gascon était exclu de l’opération, s’agissant d’« une langue très proche [de l’occitan], certes, mais spécifique (et ce dès les origines), au moins autant que le catalan. » selon les termes mêmes d’un rapport du Pr. Pierre Bec, alors président de l’Institut d’études occitanes (I.E.O.). Mais ce concept d’ « occitan standard » reléguait déjà toutes les autres langues d’oc au statut de « variantes », de curiosités locales, comme les vins de propriétaire ou les fromages faits à la ferme, et qui ne mériteraient plus que d’être étudiées par quelques curieux.

Et comme les occitanistes ignorent et veulent absolument ignorer la place particulière du gascon en dehors de l’occitan, pourtant reconnue par tous les linguistes français et étrangers qui ont étudié la chose, le même danger mortel menace notre langue héréditaire. Malheureusement, tout absorbés par leur action militante, les occitanistes gascons ne s’en sont pas aperçus, sauf au moins le sage fondateur Roger Lapassade; ainsi écrivait-il à mots à peine couverts qu’il a été trompé par le drapeau occitan comme par le français et que seul le carré béarnais aux deux vaches rouges sur l’or du blé mûr a réjoui son cœur (poème Drapèus arlats de 1994, publié en 1997 à l’occasion du colloque organisé en son honneur à Orthez).

Ce péril nous fut d’ailleurs confirmé publiquement par un personnage important de l’Éducation nationale, pourtant de souche béarnaise, dans une interview donnée à la presse paloise en mars 1995 : « On n’est pas là pour enseigner le patois, le patois est mort, c’est l’occitan qui reste », « patois » étant la langue que parlent encore les Béarnais et Gascons qui ont appris la langue de leurs parents.

Et le « politiquement correct » conduisit bientôt à créer à Pau comme Institut occitan, largement financé par le département, ce qui devait être à l’origine l’Institut culturel béarnais et gascon, pendant de l’Institut culturel basque de Bayonne.

L’évolution est telle que l’actuel président occitaniste de Per noste peut écrire dans le bimestriel de l’association « Aujourd’hui, les pies font leurs nids […] du côté de la faculté de lettres où elles sont devenues, m’a-t-on dit, très savantes, elles comprennent parait-il l’occitan référentiel. »

Mais pour les fondateurs de l’Institut béarnais et gascon, ironiser amèrement ne suffit pas. Comme d’aucuns se mobilisent contre le nivellement mondial de l’alimentation industrielle, il faut que tous ceux qui veulent garder les langues d’oc naturelles de tous les terroirs du Midi se mobilisent contre les Macd’Oc de la linguistique. En particulier, ceux qui sont attachés à la seule vraie langue du pays entre Océan, Pyrénées et Garonne, dans toutes ses variétés, doivent se retrouver dans cet Institut, aider de leurs cotisations ceux qui bougent, et faire pression auprès des pouvoirs publics pour que ceux-ci comprennent les enjeux et appuient les actions menées au profit de l’authenticité béarnaise et gasconne.

Concrètement, l’Institut veut mener plusieurs sortes d’actions, à la mesure des compétences de ses membres et de leurs cotisations – « lou qui’s mude, Diu l’ayude » ou “aide-toi, le ciel t’aidera » - en attendant les moyens qu’il espère recevoir des pouvoirs publics; notamment :

-         ouvrir des cours d’enseignement de la langue aux adultes;

-         promouvoir la réédition d’oeuvres classiques gasconnes qui, selon la norme officielle de l’Éducation nationale, respectent l’orthographe choisie par les auteurs;

-         encourager l’écrit gascon et sur le gascon et en faciliter l’édition :

o       oeuvres littéraires nouvelles écrites par ceux qui savent parler, sans avoir à se soucier de normes orthographiques, le travail d’édition prenant en charge les mises en forme nécessaires;

o        ouvrages pédagogiques dans les deux graphies préconisées par l’Institut (voir ci-après) : grammaires, dictionnaires, manuels de conversation;

o       travaux universitaires et thèses sur la matière gasconne etc.

-         encourager la collecte de chansons, proverbes, dansesé populaires de tout l’ensemble gascon, et en assurer la publication.

-         Pour ce qui est des « graphies », ou systèmes d’écriture de la langue, l’Institut en reconnait deux :

-         le système moderne normalisé en 1905 par l’Escole Gaston Fébus, vite appris dans la mesure où il utilise principalement les conventions d’écriture du français; ce système est la premier à enseigner aux adultes qui ne veulent pas s’embarrasser de considérations savantes;

-         et le système classique gascon, basé sur les mêmes principes que le système classique occitan que préfère l’enseignement scolaire et universitaire; mais il entend refléter sans équivoque la langue gasconne dans toutes ses variétés, pour une pédagogie plus facile et plus fiable; son apprentissage est plus long que pour le précédent, mais il atténue plus que lui la notation des variantes de prononciation à travers le domaine gascon, facilite les échanges écrits avec les autres pays d’oc et permet d’entrer de plain-pied dans l’ancienne langue.

En alliant fidélité aux racines et ouverture à tout l’ensemble gascon et, au-delà, à toutes les langues d’oc et au catalan, l’Institut béarnais et gascon espère œuvrer efficacement pour notre culture et avec elle, pour l’homme dans toutes ses dimensions.

                                                                                                                         Jean Lafitte


Institut Béarnais & Gascon            Enstitut Biarnés & Gascon

BP 1501 - 2, rue Cazaubon Norbert

64015 PAU CEDEX